Trophées de la montagne : au sommet d'un art
Jeudi soir, la grande famille des sports de montagne s'est réunie à Grenoble pour récompenser les meilleurs alpinistes, grimpeurs et skieurs de montagne français. Au delà des sacres de Benjamin Védrines, Stéphanie Lo Piccolo, Séb Bouin, Vivian Bruchez et Symon Welfringer, c'est le plaisir de célébrer le haut niveau français dans le cadre d'un évènement fédérateur qui a marqué les esprits.






Pour sa première édition, la cérémonie des Trophées de la Montagne s'est perchée en haut de la Bastille de Grenoble jeudi 7 mars. Elle récompensait « les plus dignes représentants français de la montagne » de l'année 2023. « Il n'y a pas assez de lumière sur les alpinistes français, qui comptent parmi les meilleurs du monde », introduisait en préambule la marraine de l'évènement, Catherine Destivelle. « Le grand public ne se rend pas compte de ce qu'ils réalisent, il est resté bloqué sur Rébuffat, Desmaison, Herzog et Destivelle ! ». Alpiniste star des années 1980, elle avait elle-même reçu un Cristal, le précédent titre qui distinguait les meilleurs alpinistes français à cette période. « C'était nécessaire de refaire vivre ces récompenses, car on a besoin d'avoir des icônes, des exemples à suivre. Cela valorise cet engagement formidable et cela fait parler de la montagne et de l'alpinisme, et c'est important que les grands médias se réapproprient cet imaginaire de la montagne », ajoutait Nicolas Raynaud, co-président de la FFCAM, partenaire de ces trophées avec la FFME et les éditions Nivéales-ComAlp.






Afin de couvrir tout le spectre des activités de montagne, ces trophées se déclinaient en quatre prix. Dans la catégorie Escalade, Stéphanie Lo Piccolo et Séb Bouin ont été tous les deux été primés. La grimpeuse des Alpes-Maritimes a été remarquée pour la réalisation en février 2023 de Comité d'Accueil, une voie en 9A, après « plusieurs saisons de travail ». Cet enchainement lui vaut d'être la seule Française à grimper dans le 9 en 2023, et aussi la seule femme nominée de ces Trophées. Séb Bouin, lui, a égrainé les 9b l'année dernière : Bibliographie à Ceüse, « une voie qui n'était pourtant pas dans (son) style », Move Hard en Norvège, et deux ouvertures, Rei De Bering 9A+-9B au Portugal et Ariègeois cœur fidèle au Pic Saint-Loup.
« Parfois, il est impossible de départager : chacun, dans leur différence, mérite d'être premier », commente Christophe Moulin, cadre technique de la FFCAM et membre du jury.






Défiant lui aussi les lois de la gravité, mais sur les planches, Vivian Bruchez a été distingué dans la catégorie Ski-alpinisme. Celui qui écume les pentes les plus raides depuis une bonne décennie, avait, une fois de plus, passé l'année 2023 sur les skis : outre ses nombreuses ouvertures dans le massif du Mont Blanc et sur les 4000 suisses, il a encore ouvertd'autres couloirs lors de ses expéditions en Terre de Baffin et en Patagonie. Il a notamment répété la vertigineuse rampe Whillans-Cochrane à ski, sur l'Aguja Poincenot. « Là, c'est skier dans un big wall, on se rapproche de la limite du ski ! », avoue-t-il.






Une année 2023 très active aussi pour Benjamin Védrines, qui a décroché le prix de l'Alpinisme : « Depuis quelques années, j'ai mis de côté mon activité de guide pour me concentrer uniquement sur des projets perso. J'essaie de réaliser des projets précis et ambitieux dans le cadre d'une pratique polyvalente de la montagne ». Résultat, des dizaines d'ouvertures, dont la goulotte L'or en barre dans les Écrins, et la voie Pulsations en face sud de la Meije. Des répétitions de haut vol, avec des temps d'ascension records tels que la Gousseault-Desmaisons en face nord des Jorrasses depuis Chamonix à la journée, qu'il réalise avec Léo Billon, lui aussi pressenti pour ce prix, la voie Madier à la Dibona en solo depuis les Étages en 1h24, ou l'intégrale de Peuterey en moins de 7 heures, donnée en quatre jours dans les topos. Un record pulvérisé aussi sur Chamonix-Zermatt, et d'autres performances en ski-alpinisme, dont une traversée du Queyras en solo sur deux jours. « Ses réalisations ont fait consensus », révèle un Christophe Moulin impressionné. « Je suis extrêmement fier d'avoir été son coach. » Benjamin Védrines a effectivement fait ses classes alpines à la FFCAM, au sein des groupes Espoir, puis Excellence. « Je l'ai vu progressé depuis ses 17 ans, où nous avions fait une première course ensemble sur le versant sud de la Meije. Déjà à l'époque, il avait quelque chose de plus. »
Lui aussi nominé pour le prix Alpinisme, Symon Welfinger obtint le prix spécial du Jury pour son approche novatrice de la montagne. Il n'est pas question de ses improbables chemises (voir ou revoir le film Grand Capucin, a little big wall, avec Christophe Dumarest), mais de ses combos vélo-grimpe, pour rejoindre ses lieux de pratique en mobilité douce. On note son ascension du Mont Blanc avec accès vélo depuis Grenoble d'une traite, ou ses solos auto-assurés dans le Vercors ou les Cerces, des montagnes rejointes à vélo toujours. Le Grenoblois affiche aussi l'ouverture d'une voie au Baintha Kabata (6290 m) au Pakistan, et la première répétition en libre en hiver de la direct de la Walker avec Clovis Paulin et Charles Dubouloz.
Enfin, première personne française à avoir coché les quatorze 8000, Sophie Lavaud, a reçu une mention spéciale.