Un club grenoblois à l'assaut des falaises anglaises
Un de nos clubs grenoblois, le GUCEM, a réalisé un voyage grimpe en Angleterre cet été. Le projet était d'initier les participants à l'escalade en trad, c'est-à-dire sur des falaises non-équipées, ce qui est la marque de fabrique de l'école anglaise.






Moniteur-guide historique du Groupe université club escalade montagne (GUCEM, club grenoblois affilié FFCAM), Sylvain Maurin met chaque année en place des cycles d'activité alpinisme, cascade de glace, ski de randonnée, escalade en artif… " Le principe est simple, je propose des cycles de formation sur les thématiques précitées qui finissent tous par un ou des stages qui matérialisent les progrès réalisés ", expose l'intéressé. L'un de ses cycles est consacré à l'escalade traditionnelle, plus communément appelée " escalalde en trad " : une escalade sur coinceurs, en terrains non équipés, comme le pratiquaient les premiers grimpeurs.






Pour clôturer en beauté cette formation, Sylvain à l'habitude d'aller avec son groupe se frotter au caillou du Verdon. Mais depuis son voyage sur les falaises anglaises en 2013, " paradis de l'escalade sur coinceurs ", il caressait le projet d'y amener ses jeunes recrus. " Nos participants faisaient preuve d'enthousiasme, puis la date se rapprochant, moins de monde ! Qui veut aller grimper en Angleterre, sur des cailloux de 25 m de haut maximum, alors que le Mont Blanc s'étale de tout son long à seulement 2h de route du campus ? ", décrit-il, pince-sans-rire. Les blessures et la crise sanitaire ont encore reporté le projet, mais c'était sans compter la détermination de l'infatigable Sylvain. Bingo, en 2023, le projet prend forme, et, début juillet, un minibus part de Grenoble en direction du Peak Disctrict, au centre de l'Angleterre, avec à son bord six participants et le moniteur.






" Le but était de découvrir ces spots, qui ont fait une partie de l'histoire de l'escalade libre, et de découvrir l'escalade anglaise, le grit et son adhérence fabuleuse ! Mais également est de développer son expertise dans l'escalade sur coinceur. " Sylvain Maurin en distingue trois : la pose de coinceurs, dans tous types de fissures, le choix de l'emplacement pour éviter les retours au sol et le développement de la technique de grimpe pour pouvoir poser les friends sur trois appuis : coincements de pied, de main, " handjam ", de jambes, de bras, coudes parfois " torrides ", ironise Sylvain. " Quelques chutes ont mis le mental à rude épreuve ! L'engagement est ici 100% subjectif, dès que l'on décolle le deuxième pied du sol, et que sa main magnésiée et gantée vient se coincer dans la première faille verticale, c'est partie pour une escalade entière et totale. L'instant présent enveloppe le grimpeur tout entier. "
Des émotions accessibles à 20 minutes de marche (seulement) dans le cadre bucolique de la campagne anglaise, où les températures plafonnent à 20 degrés.






Le groupe a tourné sur cinq sites. Au Stanage d'abord, le plus connu : " Placé sur une ligne de crète, cette échine rocheuse comporte des centaines de longueurs de 6 à 25 mètres, d'un niveau moyen de 4c à 6c, toutes tentantes ! Nous y avons passée deux journées épiques avec des météos capricieuses, mais l'avantage du grit c'est qu'il sèche en deux secondes avec un coup de vent. Et lorsqu'il se met à pleuvoir, les grimpeurs autour de nous ne bronchent pas et continuent, flegmatiques, à grimper. "






Ensuite, les grimpeurs se sont rendus sur les carrières de Milestone, où se sont écrit quelques-unes des plus belles pages de l'histoire de la grimpe anglaise. " Nous avons joué nos gammes dans The Mall, dièdre majeur à gauche de London Wall en 5, Great Portland street et Bond Street, des 5+ épicés à base de verrous de mains de doigts ou les friends font merveille ! "






Puis le bloc de Higgor Tor et ses parois déversantes : " Nous avons parcouru jusqu'au 7A tous les itinéraires de ce bloc de 20 mètres de haut isolé sur sa crète entre Stanage et Burbage dominant encore une fois un paysage aux horizons ouverts et inspirants… "






Enfin le groupe a découvert Curbar, une autre base du District Peak : " Nous avons grimpé l'une du top 50 du topo, l' Elder Crack 6A+/B, qui remonte une belle fissure dièdre de 25 mètres et qui borde sur sa gauche « l'abomifreuse » dalle de Heaven's Door en E9 6C/ 8A ultra bold, qui veut dire engagée, audacieux, inconscient, protégée loin en bas par de petites protections. "
Une destination incontournable et teintée d'exotisme conclut Sylvain Maurin : " Le Peak est souvent décrit comme un passage obligé pour tout fort grimpeur qui se respecte, mais ce n'est pas révélateur de l'ensemble des voies, qui dans 95% des cas, se protègent bien. Dans quelques voies, le jeu y est poussé très loin, parceque c'est l'unique terrain de pratique et qu'il est exploité jusqu'au dernier mètre, avec toujours l'éthique des protections naturelles. Cela devient parfois très conceptuel, notamment dans le haut niveau. "
Photos de Théo David et Sylvain Maurin