Hommage à Jacques Malbos

Un vibrant hommage a été rendu jeudi 5 décembre au siège de la FFCAM à Jacques Malbos, disparu il y a un an. Ancien président du Club alpin français, cet alpiniste engagé pour la protection de la montagne a marqué les instances du Club alpin comme le milieu de la montagne.

Jacques Malbos Jacques Malbos

« Au cours de ses 150 ans d'existence, le Club alpin a connu de très nombreux présidents et il est indéniable que certains ont plus que d'autres marqué leur époque. C'est le cas de Jacques Malbos », écrit Rémy Mullot, co-président de la FFCAM à propos de son prédécesseur, dans un livret publié à l'occasion d'un hommage rendu à Paris le jeudi 5 décembre. Décédé à l'âge de 94 ans l'année dernière, Jacques Malbos a toute sa vie gravité dans le milieu de la montagne, comme alpiniste, écrivain, dirigeant et scientifique. 
L'alpiniste d'abord. Dès l'après-guerre, le jeune Jacques Malbos (une quinzaine de printemps à son actif) commence à user ses semelles sur les sommets du Mercantour avec une bande d'amis. Quelques années plus tard, installé à Paris pour finir ses études de sociologie, il rejoint le Club alpin de Paris, aujourd'hui dénommé « Île-de-France » où il rencontre sa future épouse, Christiane. Ce sont alors ses Pierre Alain à tige haute* qu'il ponce sur les blocs de Fontainbleau. Ces séances du week-end n'avaient d'autres objectifs que de « se préparer aux courses estivales à Chamonix », précisent ses deux filles, Véronique et Laurence. Charmoz, le Moine, la tour Ronde, le Grépon… des classiques mais l'aventure était déjà en bandoulière comme le décrivent encore ses filles : « Dans les années 70, (…) il a passé deux jours et deux nuits sur une vire au Tour Noir, pris par l'orage, l'un des protagonistes souffrant d'hallucinations, avant de pouvoir redescendre ». 
Ce goût pour l'aventure le mènera au Pérou, en Afghanistan, en Bolivie ou en Inde pour des expéditions inédites : « S'il ne faisait pas partie de l'équipe de pointe, tout était encore à défricher dans ces régions, et l'aventure était bien là », témoignent Véronique et Laurence.

En 1979, au Potosi. En 1979, au Potosi.

À la fin des années 1970, Jacques Malbos va s'impliquer de manière croissante dans la vie des instances dirigeantes de la montagne. En 1977, il devient rédacteur en chef du Paris-Chamonix, la revue du club alpin de Paris. Il siège aussi au comité de rédaction de la Montagne et Alpinisme et rejoint le comité directeur du Club alpin français. Déjà dans ses publications, « Il considèrait que « la montagne n'est pas un produit de consommation » ordinaire mais « un patrimoine qu'il faut préserver ». Il s'agissait donc de maintenir « l'équilibre au sein du triptyque qualification technique, aptitudes physiques et connaissance du milieu » », cite Olivier Hoibian, historien, sociologue et actuel président du comité scientifique de la FFCAM.

Lors de son élection à la présidence du Club alpin français en 1980. Lors de son élection à la présidence du Club alpin français en 1980.

Un adepte de la démarche consensuelle

Dans le cadre de ses fonctions dirigeantes, il est un « adepte d'une démarche consensuelle », poursuit Olivier Hoibian. « Il instaure un mode de gouvernance favorisant une dynamique d'échanges constructifs entre le Comité directeur et la grande masse des adhérents. »
En 1978, François Henrion alors président du Club alpin de Paris, lui propose de le remplacer à la fin de son mandat. Il est élu au début de l'année 1978. À l'issue de sa présidence, il subit « d'amicales pressions » pour présenter sa candidature à la présidence du Club alpin, à la suite de Jean Zilocchi. Il est élu en 1980. « Fidèle à ses convictions, il adopte une démarche de conciliation et de recherche de compromis pour tenter de trouver des solutions. En tant que président du CAF, il instaure une gouvernance consensuelle », analyse Olivier Hoibian. 

Réunion du Comité Scientifique au siège de la FFCAM à Paris en 2009. Réunion du Comité Scientifique au siège de la FFCAM à Paris en 2009.

Bouillon de cultures

Ayant passé la main au sein des instances dirigeantes et s'éloignant de la pratique de la montagne pour des raisons de santé, Jacques Malbos ne va pas pour autant freiner son implication au Club alpin. Il s'intéressera aux liens étroits entre l'institution et la science, « préoccupations inscrites dans les statuts fondateurs de 1874 »** rappelle Olivier Hoibian : « Les recherches scientifiques occupent une place non négligeable dans l'histoire du Club alpin avec la création de la Commission des glaciers puis celle de topographie qui se trouvent réunies au sein de la Commission des travaux scientifiques à partir de 1923 ». Éteinte dans les années soixante, Jacques Malbos fera renaître cette commission en 1984. Ce sera l'actuel Comité scientifique. « Il a relevé le défi de faire travailler en son sein des représentants des sciences expérimentales et des sciences humaines dans une approche pluridisciplinaire ». Des articles, des ouvrages, des prises de positions, des journées d'études ... une montagne d'initiatives sortira de ce bouillon de cultures. Jacques Malbos en sera président jusqu'en 2002.
Consultant en socianalyse dans un groupe de recherche, le travail de chercheur était sans doute une seconde nature... Il publie en 2020 La science au sommet, un ouvrage sur le rôle fondamental de la recherche scientifique dans la conquête des sommets, s'appuyant notamment sur l'exemple du club alpin. « Au-delà du sport, la science était le motivateur principal des pionniers de la montagne, souligne Rémy Mullot, son ouvrage fait toujours référence dans le patrimoine du Club alpin ».

 

* Les Pierre Alain : Iconiques chaussons d'escalade mis au point par Pierre Alain, grimpeur tout aussi iconique du début du XXe siècle. Les PA, de leur surnom, étaient les premiers chaussons d'escalade. 

** Plus précisément, parmi les missions listées dans les premier statuts du Club alpin en 1874 se trouvait celle de « faciliter et de propager la connaissance exacte des montagnes ».