Refuge du Pavé # 3 : De roche et de lumière
Plusieurs années de construction ont été nécessaire pour qu'un refuge sorte des roches au Pavé. Le résultat : un refuge moderne, intégré et pensé pour durer.

Le Pavé a été intégré en 2017 dans le plan de rénovation décennal de la FFCAM. « Le refuge était menacé de fermeture. Cela devenait urgent de reconstruire un bâtiment », relate Maria Isabel Le Meur, directrice du pôle Patrimoine de la FFCAM. Mais que faire dans un territoire de haute montagne, particulièrement avalancheux, dans le secteur où le dernier refuge avait été emporté ?
« Nous avons d'abord demandé à Thierry Faug de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, NDLR) de modéliser le risque d'avalanche sur tout le cirque. Son étude nous a montré que l'endroit le moins exposé se trouve à gauche du lac, sous la pointe Emma, mais le risque d'avalanche reste encore marqué », poursuit Christophe Bechet, responsable des opérations sur le Pavé à l'époque.
Comme le montre le schéma ci-après, le premier risque est l'avalanche de la pointe Emma, à l'ouest du site. L'autre risque est l'avalanche du pic Gaspard, celle qui a emporté le refuge en 1971. Le nouveau refuge n'est plus dans son axe direct, mais en arrivant dans le lac, elle peut générer un souffle aérosol dans sa direction. En résumé, il faut donc un bâtiment qui soit situé sur la gauche du cirque, mais protégé des risques d'avalanches qui persistent : « Pour répondre à ces contraintes, les deux murs du refuge exposés aux risques ont donc été remblayés, avec l'hypothèse que les avalanches passent par-dessus le refuge et se déversent dans le vallon, sans l'emporter. » Cette configuration a nécessité de renforcer le bâtiment sur toute sa structure : « En passant par-dessus le bâtiment, l'avalanche va rajouter une grosse surcharge sur son toit. Pour supporter ce poids, des trames renforcent la structure tous les 1,80 m. »

Un solide abri... qui laisse entrer la lumière
Compte tenu de ces risques d'impacts, les fondations et murs devaient être construits en béton. « Le refuge a ainsi été pensé comme une boite qui aurait été extrudée », schématise Christophe Bechet. Afin de limiter l'impact environnemental, ce béton a été fabriqué avec les matériaux du site : « Nous avons concassé les cailloux pour en tirer le granulat et le sable. L'eau pour faire le mélange a été pompée dans le déversoir du lac. Seul le ciment a été héliporté ». 500 rotations d'hélicoptère ont pu être économisées grâce à cette solution, soit un gros tiers du nombre total de rotations qui auraient normalement été nécessaires. Le total effectif de rotations a donc été ramené à 800.
De même, le bois utilisé dans les dortoirs provient des Alpes. Un choix qui, là aussi, a minimisé les émissions de carbone liées au transport.
Si les risques ont contraint le refuge à tourner le dos aux sommets qu'il dessert – ce qui est rare pour un refuge ! –, ses deux autres façades sont au contraire grandes ouvertes sur l'extérieur, amenant de la lumière et du confort. La salle à manger et l'espace de détente s'étendent le long d'une file de baies vitrées. Derrière, et jusqu'au fond du refuge, le mur est encore percé de fenêtres, laissant entrer la lumière extérieure dans la partie nuit. Les trois dortoirs de 16 et deux fois sept places qui la composent sont agencés de façon à créer « de petites cellules de couchage, pour que les usagers puissent avoir de l'intimité, comme au refuge de Temple Écrins ».
La cuisine séparée par une cloison vitrée de la salle à manger est en second jour. « Les grandes baies vitrées de la salle à manger la rendent assez lumineuse, ce qui est important pour le confort des gardiens. Au global, nous avons réservé les espaces vitrés pour les lieux de vie. » Les espaces techniques, de stockage, les sanitaires et le sas d'entrée ont donc été placés le long du mur borgne.

« Je vois clairement ce qu'on y gagne ! »
Sur le plan de l'énergie, de panneaux solaires électriques et thermiques assurent la production d'électricité et d'eau chaude pour les radiateurs. Une chaudière à pellets et un poêle à bois complète le système de chauffage. « Le refuge est amené à être gardé en fin d'hiver et printemps, pour la saison de ski de rando, ce qui nécessite un équipement de chauffage robuste pour assurer un minimum de confort aux pratiquants et à l'équipe de gardiennage. » Quelques radiateurs ont ainsi été installés dans l'espace gardien et dans le vestiaire pour sécher les équipements.
Pauline Muller, la gardienne, a indiqué par retour d'expérience que la chaudière à pellets avait peu fonctionné, montrant que le solaire thermique semblait avoir un bon rendement et que les baies vitrées chauffaient correctement l'espace commun. Au-delà des mesures de performances, celle qui a travaillé trois années dans l'ancien refuge comme aide-gardienne voit « clairement ce qu'on y gagne » : « L'isolation et la lumière, ça fait vraiment la différence ! L'humidité et le froid rendent les conditions de gardiennage difficile. Avec un refuge isolé et confortable comme celui-ci, on peut rester plus longtemps. »
Le nouveau refuge du Pavé a été plein quasiment tout l'été : « Forcément, les usagers ont apprécié ce nouveau confort, mais cela n'a pas changé le type de fréquentation : en juillet, nous avons plutôt des pratiquants d'alpinisme, en août, ce sont surtout des randonneurs », commente la gardienne. « Ce bon démarrage va-delà de ce qui était imaginé, mais il faut regarder sur la durée. Cette année est particulière avec le contexte de la Bérarde »
Retrouvez les précédents articles autour de l'inauguration et la conception du Pavé.
Reste la question du coût et de la durée des travaux
L'opération se chiffre à 2,8 millions € , dont 1.4 million € financé par la FFCAM, 1,2 million € par les partenaires publics (le détail dans cet article ) « Le coût de cette construction est élevé, d'une part parce qu'il est très haut et difficile d'accès. Bien que le nombre de rotations d'héliportage ait été fortement réduit en fabriquant le béton sur place, il reste conséquent » , rappelle Nicolas Raynaud. La construction de ce refuge de 30 places a de plus nécessité des opérations spécifiques, décrites plus haut. « Les coûts de construction et de terrassement ne sont hélas pas proportionnels à la taille du refuge. Le Pavé étant de plain-pied, il y a proportionnellement à sa capacité plus de surface au sol à travailler. Même chose pour les systèmes d'assainissement, d'approvisionnement en énergie et en eau », éclaircit Maria Isabel Le Meur. Enfin, la phase de travaux est intervenue après la crise Covid. « L'indice des prix de la construction a pris 30% depuis que le programme a été écrit, le budget a irrémédiablement dû suivre », ajoute-t-elle.
La situation du refuge à 2800m a mécaniquement allongé le temps de réalisation des travaux : à cette altitude, la période durant laquelle ils peuvent s'effectuer est réduite à quelques mois l'été. Enfin, le changement de maîtrise d'œuvre au cours de l'opération a ralenti le cours des travaux.
Merci à toutes les entreprises qui sont intervenues sur le chantier :
Maîtrise d'œuvre et prestataires de la maîtrise d'ouvrage :
Architecte : Jean-Marc AUFAUVRE
Economiste : Alain PANGAUD
Bureau d'Etudes Structure : SORAETEC
Bureau d'Etudes Fluides : CANOPEE
Bureau d'Etudes Assainissement : PROFILS ETUDES
Bureau d'études Acoustique : REZON
Géotechnicien : GEOLITHE
Géomètre : SYNDRONE
Etudes de risques avalanche : INRAE
Bureau de contrôle et CSPS : APAVE
Entreprises intervenant sur le chantier :
Perino-Bordone: Terrassements, Réseaux
MANANG : Gros oeuvre
B3D : Charpente bois
ETRA : Etanchéité
La Raboterie : Menuiseries extérieures, menuiseries intérieures, agencement
SAS Joly & Philippe : Serrurerie
Euroconfort Maintenance : Cloisons, doublages, plafonds, carrelages, faïences
AGPG : Electricité
GOBBO : Sanitaire, Chauffage, Ventilation
CES Cuisine
SAF : Héliportage
















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