Acteur des refuges#2

Jérémy Pouge

Jérémy Pouge : "La montagne est un cadre de travail fantastique"

Ancien rameur de haut niveau – il a notamment été champion du monde – Jérémy Pouge travaille à la FFCAM comme assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), suivant notamment le chantier du refuge de la Pointe Percée-Gramusset. 

La vie de Jérémy Pouge a basculé un jour de 1994, l’année de ses 14 ans. "C’était un mercredi après-midi. J’ai accompagné mon cousin pour une séance d’aviron… Je me suis retrouvé à bord d’un bateau, sur le Rhône… Ça m’a plu et j’ai continué, alors que je n’étais pas du tout porté sur ce genre d’activités… Je suis rentré ensuite dans la grande famille de l’aviron. J’ai intégré le club des Sports Nautiques de Tain Tournon, qui m’a permis d’évoluer : des bénévoles mordus donnaient de leur temps pour nous aider à progresser !" Jérémy, qui a grandi entre Tournon-sur-Rhône, en Ardèche, et Larnage, dans la Drôme, obtient son bac en 1998 et, la même année, devient champion de France en junior. 

Comment continuer et concilier la pratique d’un sport à haut niveau avec les études ? Il s’inscrit à Lyon, à l’Insa (Institut national des sciences appliquées), une école d’ingénieur comptant une section pour sportifs de haut niveau. Tout en étudiant, il va continuer à pratiquer sa passion assidument, au pôle d’entrainement fédéral de Lyon. "L’aviron est un sport très ingrat qui demande beaucoup de temps et ne paie pas du jour au lendemain. Il faut des heures et des heures d’entrainement… C’est aussi un sport collectif qui se pratique autant à deux qu’à quatre ou à huit : il faut donner le maximum au service du collectif, établir une symbiose entre les rameurs pour que le bateau aille le plus vite possible. La moindre sensation personnelle – chacun a sa propre façon d’aborder le coup d’aviron – peut avoir une incidence sur la glisse de la coque…" 

Le travail porte ses fruits. En 2005, tout en décrochant son diplôme d’ingénieur en génie mécanique et conception, Jérémy obtient son premier titre de champion du monde à Gifu, au Japon, en quatre de pointe sans barreur, catégorie poids légers. "J’étais fier d’être sur la plus haute marche du podium avec les couleurs de la France sur les épaules. Juste avant le départ, nous étions comme des lions en cache qu’il fallait libérer… La course est passée trop vite, la tête dans le bateau, à fond pendant un peu moins de six minutes… Ça a été ensuite le passage de la ligne d’arrivée, le soulagement, la joie, les cris. Les émotions ont pris le dessus pendant la Marseillaise et devant le drapeau tricolore qui se hissait devant nous..." 

Jérémy poursuivra sa carrière jusqu’en 2011, accumulant les titres et les sélections : il obtient (entre autres) la seconde place lors des championnats du monde en 2006 et 2007 et est notamment sélectionné dans l’équipe de France pour les J.O. de Pékin, en 2008. Il cumule un nombre impressionnant de sélections internationales : cinq championnats du monde senior, deux championnats du monde moins de 23 ans, quinze Coupes du monde et régates internationales ! 

En parallèle à ces compétitions, il mène sa carrière d’ingénieur. Il travaille d’abord pour Eiffage construction Rhône, à Lyon, comme conducteur de travaux, intègre ensuite un bureau de maîtrise d’œuvre (AMPC) près de Chambéry et, en 2018, est embauché par la FFCAM en tant qu’Assistant Maître d’Ouvrage. À ce titre, il représente le maître d’ouvrage (la FFCAM) dans le cadre des projets de rénovation des refuges sur le territoire des deux Savoie, que ce soit lors des réunions avec le maitre d’œuvre ou encore sur site. Ses missions ? S’assurer que le projet de rénovation qu’il suit se déroule correctement et dans le planning souhaité par le Maitre d’Ouvrage ; vérifier que chaque étape du projet est correctement menée par le Maitre d’œuvre (architecte) ; contrôler les documents transmis afin de s’assurer qu’ils correspondent bien aux besoins et les transmettre pour validation, le cas échéant, au Maitre D’ouvrage. Sur le chantier, Jérémy reste également "l’œil" du maitre d’ouvrage afin d’être en mesure de le tenir informé de l’avancement des travaux.

"J’ai toujours rêvé de pouvoir faire ce que je faisais en vallée, mais sur des sites en montagne : c’est une cadre de travail fantastique – même si ce n’est pas toujours facile sur un chantier d’altitude. Le caractère isolé de ces bâtiments les rend encore plus uniques…" En perpétuel challenge avec ses interlocuteurs pour que la meilleure solution soit mise en œuvre, Jérémy apprécie la diversité des relations humaines que l’on peut avoir tout au long d’un projet : utilisateurs des refuges, gardiens, entités gestionnaires, bénévoles, acteurs de la montagne, du tourisme, architectes, bureaux d’études, services instructeurs des dossiers de permis de construire, entreprises (aussi bien les patrons que les ouvriers). 

Jérémy travaille aujourd’hui sur les refuges de la Pointe Percée-Gramusset (dont les travaux ont débuté ce printemps) et du Couvercle, bâtiments insérés dans des environnements isolés et fragiles. "Le projet doit inévitablement prendre en considération le cadre, le relief, la faune, la flore, afin de pouvoir s’insérer au mieux dans l’environnement. De manière générale, une des priorités sur un projet est la gestion de l’eau : savoir comment elle est captée et comment elle s’achemine dans le bâtiment et savoir comment on la traite avant qu’elle sorte. Les problématiques énergétiques sont liées à l’exposition du bâtiment pour récupérer au mieux les sources renouvelables (soleil, vent, eau)." 

Habitant et travaillant en montagne, Jérémy prend le temps d’explorer cet univers, dont il aime découvrir les cols, les paysages et les sommets. "La montagne, dit-il, me permet de relativiser, de prendre du recul…" Il pratique VTT, vélo de route, splitboard et s’adonne également au trail. Membre du team SIDAS - XBIONIC, il dispute des trails de moyenne distance (25-35 km). L’endurance de force et l’entrainement physique acquis en aviron lui permettent d’être plus résistant, notamment en trail : "ça donne une caisse, une endurance intéressante en montagne !" Si la compétition l’intéresse toujours, elle n’est pas une fin en soi pour lui : "j’ai encore envie de mettre des dossards, de gagner, de disputer des épreuves avec un bon ratio de dénivelé positif, mais j’apprécie aussi les moments où je vais profiter de la montagne avec les amis… Je n’ai aucun programme précis. Je compose au jour le jour suivant mes envies, ma motivation…"