Sandrine, gardienne du refuge du Promontoire : "J'aime être autonome, libre et saisonnière"
A 38 ans, Sandrine Delorme a déjà une vingtaine d'années d'expérience en refuge. Gardienne du Promontoire depuis 2019, elle subit de plein fouet cette année la catastrophe de La Bérarde qui prive le refuge de son accès le moins difficile.






La crue torrentielle du Vénéon qui a rayé de la carte le hameau de La Bérarde le 21 juin 2024 n'a pas seulement un impact dans la vallée. Elle coupe aussi l'accès à la montagne, notamment au refuge du Promontoire, gardé depuis six ans par Sandrine Delorme. Bien qu'elle soit habituée de longue date à la vie particulière en refuge – elle a commencé à travailler en altitude dès l'âge de 16 ans pour ses jobs d'été – Sandrine doit vivre une saison très particulière cette année. "Juste après la catastrophe, je n'ai eu personne au refuge. J'étais complètement isolée et bloquée ici, sans aucune possibilité de redescendre. Heureusement, j'ai des livres et pas mal de choses à faire, mais c'était assez difficile malgré tout", confie la titulaire d'un Master de biologie alpine qui a abandonné l'idée d'un doctorat pour se consacrer à une vie montagnarde. "Depuis quelques jours, quand la météo est favorable, le refuge est complet. Les alpinistes sont de retour !" Privée de la clientèle de randonneurs en provenance de La Bérarde, Sandrine ne peut plus que compter sur les alpinistes et les grimpeurs qui empruntent le téléphérique de La Grave – avec lequel un tarif spécial de 10 € a été négocié – et qui se dirigent sur des courses aussi emblématiques que la traversée de La Meije, le Râteau ou de grandes voies d'escalade. Il faut néanmoins 4 à 5 heures de course avec matériel d'alpinisme (crampons, piolets, cordes) pour rejoindre le Promontoire. La saison s'annonce donc compliquée pour Sandrine Delorme. "Je n'ai aucune visibilité. Par précaution, je n'ai pas pris d'aide cet été. J'ignore si je vais être soutenue financièrement. La situation est inédite et complexe."
Un refuge rustique pour montagnards aguerris
Sandrine s'est cependant forgé un caractère de battante au fil de ses expériences en refuge. Après avoir été aide-gardienne à la Pilatte, elle a pris les rênes de Font Turbat en tant que gardienne durant quatre ans. "Je connaissais le Promontoire et je me disais que j'aimerais exercer ici en raison de l'environnement exceptionnel, avec La Meije évidemment, et en raison de la rusticité du lieu et du type de clientèle", évoque Sandrine. Perché à 3092 mètres d'altitude sur l'éperon du Promontoire en face sud de La Meije, le refuge actuel date de 1966 et offre effectivement un confort précaire. Sans eau, à l'exception de l'eau de pluie stockée dans une cuve de 4 mètres cubes, uniquement doté de toilettes extérieures "alpines", le refuge est doté de 32 places réparties en 3 dortoirs. "C'est tout petit, on est vite les uns sur les autres, mais les clients sont des connaisseurs qui sont beaucoup moins exigeants que ceux des refuges situés plus bas. Leur rapport à la montagne et au refuge est différent", explique Sandrine. "J'aime ce contact, je peux être plus naturelle. Je n'hésite pas à leur demander un coup de main qu'ils sont toujours heureux de me donner."
Autonomie et liberté
Pour gérer le Promontoire, il faut savoir tout faire toute seule. Et c'est justement ce que Sandrine Delorme apprécie dans son métier. "J'aime être autonome et libre dans ma manière de travailler. J'aime toucher à tout – la cuisine, le secours, le ménage, le bricolage… – et devoir faire face à l'imprévu. Je déteste la routine." Pisteur l'hiver, Sandrine apprécie aussi la diversité de publics qu'elle côtoie durant les différentes périodes de l'année et la variation de rythmes. "J'adore travailler à fond en saison et avoir des vacances en intersaison", ajoute-t-elle. Sans aide-gardien cette année, Sandrine doit d'autant plus assumer la charge de travail. Outre les tâches habituelles d'entretien, elle cuisine dans son minuscule local dédié. "La cuisine doit faire 3 mètres carrés, donc je propose des plats simples. J'ai néanmoins un congélateur et j'arrive à conserver les fruits et légumes. En général, je propose une entrée avec soupe, pain et fromage, puis un plat comme des pâtes à la bolognaise, du poulet au curry ou un rôti de porc aux pruneaux avec du riz ou des pâtes, puis un dessert comme un gâteau, un tiramisu ou une mousse au chocolat. Je fais moi-même le pain."






Un nid d'aigle isolé
Aussi simple et rustique que soit l'offre du refuge du Promontoire, les clients se pressent ici, soit de mi-mars à début mai pour les courses de ski alpinisme, soit de mi-juin jusqu'à la première semaine de septembre pour l'alpinisme et la grimpe – et la randonnée avant la catastrophe de La Bérarde. "Ils sont heureux de s'arrêter ici car ce n'est qu'une étape avant une course qu'ils préparent parfois depuis longtemps. Ils se satisfont de manger un plat de pâtes", sourit Sandrine qui s'efforce de sélectionner des produits bio et locaux, notamment pour la bière, la farine, la confiture, les fruits et les légumes. "Les déchets sont évacués une fois par mois en hélicoptère. Tous les déchets compostables vont aux oiseaux… et ça ne fait pas long feu !", s'amuse la gardienne. Plus que jamais isolée dans son nid d'aigle cette saison, Sandrine continue à accueillir les alpinistes et les grimpeurs en espérant qu'un accès plus facile soit bientôt ouvert. A la fois pour les randonneurs, mais aussi pour lui offrir une autre solution que la seule qui lui permet actuellement de redescendre dans la civilisation : trouver un compagnon de cordée.
Pour réserver
Période de gardiennage
De mi-mars à début mai.
De juin à début septembre.
Activités praticables autour du refuge
Alpinisme
Escalade
Randonnée montagne
Ski de randonnée
Ski-alpinisme