Sites naturels d'escalade : l'expérience de la Drôme
Dans la Drôme, le Comité départemental FFCAM a travaillé avec l'ensemble des clubs locaux, le Département et les collectivités territoriales pour construire un mode de gestion des falaises d'escalade, qui repose sur une coopération et un partage des responsabilités entre les acteurs locaux. Les premiers accords qui en découlent seront officialisés le 21 mars.
Haut lieu de l'escalade, la Drôme n'a pas été épargnée par des restrictions d'accès aux sites de pratique suite à la vague de déconventionnement déclenchée en 2020 par la FFME. Une situation qui a même conduit à des interdictions de pratique dans certains sites emblématiques du département, tels que les Baronnies, le Vercors, le Royans ou à Dieulefit. « J'étais très inquiet début 2023. Les interdictions tombaient en cascade. De plus, l'annonce faisait tache d'huile : des propriétaires de falaises non conventionnées FFME prenaient peur et voulaient interdire leur falaise, même s'ils n'étaient pas concernés », témoigne Jean-Marc Belle. Président du Club alpin de Saoû, il a ouvert de nombreux secteurs dans le sud du département. « Lors d'une réunion du comité directeur de la Drôme, nous avons convenu qu'il fallait inventer un autre modèle pour maintenir la liberté de pratique de l'escalade en falaise. »

Constat partagé par le département de la Drôme, qui, à l'automne 2023, initie plusieurs concertations entre les acteurs de la grimpe : « Nous tombons d'accord sur le fait qu'il fallait une responsabilité partagée entre les acteurs locaux », rapporte Jean-Marc Belle. Pour concrétiser cette idée, un comité de pilotage des sites naturels d'escalade (Co-pil SNE), rassemblant les 7 communautés de communes et 15 clubs, affiliés ou non à une fédération, est créé.
Le président du club de Saoû, impliqué depuis 40 ans dans le milieu drômois de la grimpe, est désigné pour l'animer. « Au début, je me demandais comment des communautés de communes pouvaient s'occuper des falaises, mais l'idée de gérer au niveau local plutôt qu'à l'échelle d'un département est en réalité pertinente. Les problématiques des falaises sont très différentes d'un territoire à l'autre. Cette configuration à un niveau local permet donc de les prendre en compte plus finement. De plus, la démarche a permis de sensibiliser certains élus éloignés du sujet ».
Le comité départemental FFCAM, quant à lui, assure la coordination globale du projet : « Nous avons ouvert, avec la participation financière du département, un poste d'agent de développement pour mettre en relation les parties prenantes et piloter la mise en place du nouveau schéma », décrit Bernard Chevigny, son président.
La démarche drômoise s'inscrit dans la politique fédérale : de par son histoire, ses statuts et son projet fédéral, la FFCAM promeut l'accès de tous les publics à la pratique des sports de montagne, dont l'escalade fait partie intégrante, et elle n'a d'ailleurs pas dénoncé les conventions existantes.
Un partage des rôles entre les acteurs de l'escalade

Le schéma repose sur un partage des rôles et des responsabilités, encadré par le comité de pilotage. La gestion des falaises est décentralisée à l'échelle locale et les acteurs du territoire se répartissent les rôles : la garde juridique des falaises est prise par les collectivités territoriales selon une convention passée avec les propriétaires, et le suivi et l'entretien de l'équipement sont confiés aux clubs locaux. Ces missions sont formalisées par un accord de délégation, élaboré par le Département de la Drôme et la FFCAM, qui définit les modalités du suivi de l'équipement.
Lorsque le club chargé de ce suivi est affilié à la FFCAM, celle-ci est signataire des accords dont elle vérifie les aspects technique et juridique, dès lors que la responsabilité civile du club est couverte par l'assurance fédérale.
Le Département est aussi cosignataire de cet accord : il apporte des moyens matériels, fournit la signalétique et intervient quand des travaux conséquents s'imposent (purge de pierres par exemple). Il cofinance aussi les équipements des falaises et les moyens humains avec le Comité départemental de la FFCAM.
« Ce modèle permet de répartir la responsabilité entre les différents acteurs : les clubs, le Département et les collectivités », note Mathias Penar, l'agent de développement du Comité départemental. « Chaque collectivité prend en charge les falaises de son territoire, de même que les clubs deviennent référents des falaises où ils pratiquent en priorité », complète Jean-Marc Belle.
Ce fonctionnement permet aussi de fédérer les acteurs. « La communication est simplifiée, ce qui facilite la résolution de problème au niveau local. Les clubs peuvent plus spontanément se donner des coups de main », remarque-t-il.
« Aux pratiquants de s'adapter au milieu, non l'inverse »
Reposant sur le bénévolat et l'implication des pratiquants d'escalade, cette solution garantit un faible coût d'entretien et de veille pour les collectivités. « La finalité est de garantir un accès à tous », affirme Mathias Penar.
De plus, l'investissement des clubs locaux dans l'entretien des falaises devrait favoriser la responsabilisation des pratiquants. « L'objectif est que les grimpeurs réalisent la veille et l'entretien lors de leurs sorties, qu'ils apprennent à rester vigilants et deviennent des grimpeurs acteurs », décrit Jean-Marc Belle.
La spécificité de la pratique de l'escalade en milieu naturel, est « remise au cœur de la logique », se réjouit Mathias Penar : « Malgré tout le soin apporté à la veille et à l'entretien des sites, la pratique de l'escalade en milieu naturel ne pourra être aseptisée. C'est aux pratiquants de s'adapter au milieu dans lequel ils évoluent et non l'inverse ». « Quand un grimpeur s'attaque au pilier Sud des Écrins ou à la face Nord des Jorasses, l'idée de se retourner contre le propriétaire des lieux en cas d'une chute de pierre ne l'effleure même pas », illustre Jean-Marc Belle. « C'est cet état d'esprit originel de la grimpe que nous souhaitons retrouver. »




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