Dompter le couloir de la mort…

Etude chutes de pierre couloir Goûter

Le géographe Jacques Mourey a présenté lundi 6 juillet une étude sur les chutes de pierres dans le couloir du Goûter.

Situé entre le refuge de Tête-Rousse (74 places, 3 167 m) et le refuge du Goûter (120 places, 3 835 m), le couloir du Goûter est depuis longtemps reconnu comme dangereux.  De 1990 à 2017, 102 personnes ont perdu la vie et 230 ont été blessées dans le couloir du Goûter sur la voie normale du mont Blanc. Parfois appelé le "couloir de la mort", il est particulièrement délicat en pleine saison estivale, car il est balayé par de fréquentes chutes de pierres. Or, la plupart des prétendants au sommet (environ 35 000 par an), alpinistes chevronnés ou non, empruntent ce passage incontournable de la voie normale.

"Le mont Blanc est l’un des sommets le plus fréquenté au monde et son accès impose une réflexion. Faire en sorte que moins d’accidents se produisent, c’est une action de prévention. Bien sûr le risque zéro n’existe pas puisque le couloir ne représente qu’une petite partie de l’ascension ! Mais entre deux refuges, sur un itinéraire mondialement connu et très parcouru, nous pouvons envisager une amélioration de la sécurité" souligne Paul Petzl. 

La Fondation Petzl a lancé plusieurs études permettant de délivrer un message plus clair sur les dangers de la voie normale du Mont-Blanc, l'un des sommets les plus attractifs au monde. La dernière en date a été conduite par Jacques Mourey (*), géographe à l’Université Grenoble Alpes et membre du laboratoire EDYTEM (Environnement, Dynamiques, Territoires, Montagnes). Intitulée "Destabilisations rocheuses dans le Grand Couloir de l’aiguille du Goûter", cette étude pluridisciplinaire sur la voie classique d’ascension du mont Blanc est riche d’enseignements. Elle a permis d’établir trois grands facteurs causant les destabilisations rocheuses dans le Grand Couloir du Goûter : 

- la fonte de la neige, qui entraîne des déstabilisations mécaniques et apporte de l’eau dans les fissures de la roche, favorisant l’augmentation de la pression interstitielle et l’action des cycles gel-dégel ; 

- les cycles gel-dégel journaliers qui jouent un rôle lorsque le couloir est déneigé, ponctuellement favorisés par des précipitations liquides ;

- la dégradation du permafrost également favorisée par les précipitations liquides, qui déclenche surtout des événements volumineux, plutôt en fin de saison estivale le temps que l’onde de chaleur saisonnière pénètre en profondeur dans la roche. 

En outre, malgré ses limites, cette étude fournit des informations précieuses pour les candidats au Mont-Blanc. Une destabilisation rocheuse - marqueur d’une activité gravitaire extrême - survient en moyenne toutes les 37 minutes (et même toutes les 24 minutes lors du pic d’activité, situé entre 19 et 20h). Le moment de la journée où les destabilisations rocheuses sont les moins fréquentes se situe entre 9h et 10h du matin…

Autant d’éléments qui aideront à mettre en place des solutions concrètes de sécurisation et, peut-être, à établir, comme il existe pour les avalanches, un bulletin des chutes de pierre… 

(*) Avec Pascal Lacroix, Pierre-Allain Duvillard, Guilhem Marsy, Marco Marser, Emmanuel Malet, Ludovic Ravanel et Olivier Moret... 

Visioconférence du lundi 6 juillet 2020

Conference-chutes-de pierres-Goûter from Fondation Petzl on Vimeo.

Film "Le couloir de la mort"