« Je suis devenu coprésident pour poursuivre un projet, pas par velléité »

Membre du bureau fédéral de la FFCAM depuis 2017, Rémy Mullot s'est notamment illustré sur les questions liées à la formation. En 2021, il devient le président statutaire de la FFCAM, en pratique, il est coprésident fonctionnel avec Sylvie Guérin et Nicolas Raynaud. À quelques jours du changement de présidence, il nous partage sa vue d'ensemble de ces huit années passées entre Paris, Chambéry et La Rochelle.

Remy Mullot en 2021 Remy Mullot en 2021

FFCAM : Vous avez passé huit années au cœur du réacteur fédéral, dont deux en tant que coprésident. À quelques jours de l'assemblée générale élective de la FFCAM alors que vous allez quitter ces fonctions, quels mots vous viennent pour raconter cette expérience ? 
Rémy Mullot : C'est une belle histoire de vie, d'hommes et de femmes qui mettent leurs efforts en commun afin de mener à bien un projet dans lequel ils croient. Nous partageons la même idée pour la fédération, celle d'accompagner son développement. Aujourd'hui, je suis ravi que mes deux années de coprésidence aient si bien fonctionné et ont permis de poursuivre efficacement le travail commencé en 2017.

FFCAM : Cette coprésidence, inédite dans l'histoire de la FFCAM, semble avoir été une réussite. Qu'est-ce qui, selon vous, explique ce succès ?
R.M. : Pour bien fonctionner, il est nécessaire d'avoir de bons ingrédients : une réelle volonté de travail ensemble, de manière collégiale, de disposer d'un champ d'intervention dans lequel on peut se mouvoir, de disposer d'une solidarité à toute épreuve, de ne pas avoir d'ego personnel, et enfin de s'apprécier humainement et amicalement. Sur le mandat précédent de Nicolas Raynaud, j'ai été vice-président, et je vois la grande différence. J'étais chargé des dossiers de la formation, mes interventions dépassaient rarement ce secteur d'intervention. En tant que coprésident, j'ai été amené à travailler et à porter des décisions sur différents sujets, même ceux sur lesquels je ne travaillais pas au quotidien, en toute solidarité et au nom de la présidence. Si l'un de nous avait besoin d'un avis, d'échanger pour dissiper un doute ou trouver un soutien, c'était avant tout dans la coprésidence qu'on les trouvait. Pour avoir exercé de nombreuses responsabilités dans ma vie professionnelle, je connais le poids que représente le fait d'être seul à prendre la décision finale. Dans cette coprésidence, nous travaillons de façon collégiale, avec écoute et entraide, de façon toujours constructive, et avec beaucoup de bienveillance. C'est ce en quoi cette coprésidence est remarquable et efficace.

FFCAM : Ce modèle a d'ailleurs été adopté par certains clubs…
R.M. : Ce n'est pas « LE » modèle, mais c'est un modèle qui fait des petits un peu partout sur le territoire national. Ce système de coprésidence permet de partager la charge y compris mentale à plusieurs et apporte ainsi plus de confort pour ceux qui ont choisi d'endosser ces responsabilités.  Pour fonctionner, les notions de solidarité et de bienveillance doivent être au cœur du mécanisme.

« Nous nous sommes donné les moyens pour que la formation de la fédération soit irréprochable, y compris auprès du ministère des Sports. »

Lors d'une sortie collective à la Tête Nord du replat (Écrins), en juillet 2019. Lors d'une sortie collective à la Tête Nord du replat (Écrins), en juillet 2019.

FFCAM : Quels dossiers vous ont particulièrement marqué ?
R. M. : Du fait de mon métier d'enseignant-chercheur, les sujets liés à la formation m'ont évidemment passionné. J'ai développé la formation des pratiquants en alpinisme dans le cadre de mon club et du Comité régional nouvelle aquitaine. Quand en 2017, Nicolas Raynaud m'a demandé de m'associer à la liste qu'il portait et qu'il a été élu , il m'a naturellement proposé d'aller plus loin sur ces dossiers. Je suis devenu vice-président. Le projet a d'abord été de mettre en place les plans de formation, levier de développement dans les comités territoriaux de la formation pour tous. Puis, j'ai piloté le train de la réforme de la formation fédérale avec la direction technique nationale, les commissions fédérales d'activité, les comités territoriaux et clubs qui s'y sont associés. Ce travail collectif était crucial de deux points de vue : 
- du point de vue interne, la formation s'est construite au rythme des années par sédimentation sans forcément disposer d'un cadre unique. Il s'agissait dès lors de revisiter cette formation afin de lui donner un format identique quelles que soient les activités afin de le rendre plus lisible, et s'adressant à tous du débutant au pratiquant expérimenté;
- du point de vue externe, il y a une réelle menace de remise en cause de l'encadrement de pratiquants par des bénévoles vers une professionnalisation dès lors que l'activité a lieu en environnement spécifique. Le moyen de lutter contre ce risque est de rendre notre formation la plus « solide et incontestable » possible. C'est un enjeu majeur pour que les clubs puissent continuer à proposer des activités sans nécessairement passer par des pro. 
Nous nous sommes donné les moyens pour que la formation de la fédération soit irréprochable, y compris auprès du ministère des Sports en nous associant par exemple avec des établissements publics de formation des professionnels dans le cadre du cursus de formation des instructeurs.
Ce travail de fond a donné lieu à une forte adhésion des clubs, et c'est certainement le plus beau des cadeaux ! 

«  Pour faire aboutir les projets, il faut se donner les moyens, s'investir énormément. On ne peut pas faire semblant. »

En septembre 2023, au Pic du midi d'Ossau (Pyrénées). En septembre 2023, au Pic du midi d'Ossau (Pyrénées).

FFCAM : Quels défi attendent la FFCAM dans les prochaines années ? 
R.M. : La FFCAM est dans une véritable transition. Avant le milieu des années 2015, elle pouvait encore s'apparenter à un très gros club. La dynamique actuelle n'a plus rien à voir avec un positionnement de la fédération ne serait-ce que vis-à-vis de l'État, des collectivités territoriales et des acteurs de la montagne !  A titre d'exemple, maintenant qu'elle porte la responsabilité de la délégation escalade sur glace, elle est devenue un acteur du sport de portée nationale.  Les liens avec le ministère sont de facto devenus très étroits, exigeants, enrichissants.
L'enjeu de cette transition pour la fédération est donc de trouver le bon point d'équilibre entre le bénévolat et la professionnalisation, développement et préservation des espaces de montagne, de définir les rôles des services fédéraux et de ses organes déconcentrés vis-à-vis ses clubs, dans le but de bâtir une base solide sur laquelle elle peut s'appuyer pour répondre à ses missions, aux enjeux qui sont les siens. 

FFCAM : Après avoir emmagasiné toute cette expérience et affiné votre vision fédérale, pourquoi ne vous représentez-vous pas sur une liste, voire en tête de liste ?
R.M. : La vie, ce n'est pas que la FFCAM ! Je suis devenu coprésident par la force des choses, pour poursuivre le projet quand cela est devenu nécessaire, pas par velléité. J'appellerais cela l'esprit de cordée ! J'ai déjà exercé de nombreuses responsabilités dans ma vie professionnelle qui ont rempli mon expérience dans ce domaine ! Mon engagement bénévole ne nécessite pas de poursuivre sur ce même contexte. Ce qui m'intéresse avant tout est de travailler sur les sujets qui me passionnent, avec d'autres acteurs, dans l'humain et la bienveillance. La charge mentale et de travail que demande la fonction de coprésident est suffisamment lourde pour ne pas y rester longtemps. Pour faire aboutir les projets, il faut se donner les moyens, s'investir énormément. On ne peut pas faire semblant. Sur le plan personnel, les deux dernières années ont été complexe de ce point de vue, jusqu'au déraisonnable. Pour l'illustrer, je n'ai jamais fait aussi peu de montagne depuis que je suis à cet échelon fédéral !

« Ce n'est pas parce que je ne souhaite pas me représenter sur une liste que j'envisage d'arrêter mon engagement bénévole. Il me semble nécessaire d'accompagner la réforme en cours. »

Devant le refuge des Oulettes de Gaube (Pyrénées), lors d'une formation pratiquant sécurité sur glacier en mai 2016. Devant le refuge des Oulettes de Gaube (Pyrénées), lors d'une formation pratiquant sécurité sur glacier en mai 2016.

FFCAM : Plus précisément, comment avez-vous organisé vos responsabilités de coprésident ?
R. M. : Avec mon activité professionnelle et mon activité fédérale cumulées, je suis loin, très loin des 35 heures par semaine. Sur ces grosses semaines, j'estime consacrer un quart de mon temps à mon métier d'enseignant-chercheur, et les ¾ à la fédération ! Heureusement que j'ai un métier et une expérience professionnelle qui me permettent de pouvoir consacrer autant de temps à mon engagement bénévole. 
Maintenant, et comme nous l'avons écrit dans la lettre des bénévoles, ce n'est pas parce que je ne souhaite pas me représenter sur une liste que j'envisage d'arrêter mon engagement bénévole. Il me semble nécessaire d'accompagner la réforme en cours : je sens comme une responsabilité collective de poursuivre le travail, d'assurer le SAV de cette réforme. 
Cet engagement bénévole est envisageable. Mais pour cela, et si c'est utile, il sera nécessaire de se mettre d'accord avec la nouvelle gouvernance tant sur la trajectoire que sur les missions, dès lors que la bienveillance sera notre moteur relationnel.

 

Un refuge préféré ? Celui de l'Aigle, dans la massif de la Meige (Écrins). Un refuge préféré ? Celui de l'Aigle, dans la massif de la Meige (Écrins).

Biographie

  • 2004 : adhésion au club alpin rochelais
  • 2011 : initiateur terrain montagne et mise en place des formations pratiquants en alpinisme sur la région Poitou-Charentes
  • 2013 : Initiateur alpinisme et délégué technique régional en alpinisme, membre de la commission nationale alpinisme (CNA)
  • 2014 : instructeur en alpinisme
  • 2016 : vice-président du comité régional nouvelle aquitaine
  • 2017 : membre du comité directeur fédéral– projet horizon 2021, puis vice-président fédéral
  • 2021 : membre du comité directeur fédéral – projet horizon 2025, vice président fédéral
  • 2023 : président FFCAM, avec mise en place d'une coprésidence fonctionnelle

Au sommet de la Meije orientale (Écrins) lors d'une sortie collective en juillet 2021.

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Moment de détente au refuge du couvercle (massif du Mont-Blanc) lors d'une sortie collective en juillet 2015.

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En mars 2015, lors d'une sortie collective dans le val d'Aran, au pic de la Quenca, dans les Pyrénées espagnoles.

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