Spéléologie






La vocation de la spéléologie, c'est l'exploration !
Lorsque le spéléologue dépasse le terminus de ses prédécesseurs, par escalade, en s'insinuant dans une étroiture, en franchissant un plan d'eau ou en passant un siphon, il ignore ce qu'il va trouver dans quelques mètres. Et si, l'obstacle franchi, il a la chance de découvrir de vastes passages, il ignore totalement dans quelle direction cela va le mener. Pourtant, il aimerait le savoir !
Car l'explorateur a un objectif : il souhaite aller plus bas dans ce gouffre qui se termine bêtement par un puits dont le fond est totalement bouché, il voudrait retrouver la « rivière » souterraine qui s'infiltre dans un laminoir trop étroit, il aimerait assurer la jonction entre deux cavités actuellement indépendantes... Pour décider où attaquer, il doit se faire une image de cet objet en trois dimensions qu'est la cavité souterraine ; car elle ne s'est pas creusée au hasard et son organisation, parfois complexe, obéit à des règles. D'où le souci qu'a toujours eu le spéléologue de dresser la topographie de ce qu'il venait de découvrir ; il a maintenant conçu des logiciels spécialisés.
Dans la même région se trouvent d'autres cavités, qui appartiennent peut-être au même creusement. Mais les spéléologues ont depuis longtemps compris que les chemins de l'eau souterraine, donc le creusement des grottes, sont liés à la géologie et non au relief de surface.
Comprendre la formation de la grotte, et ses rapports avec son environnement, est la clé de l'exploration. La spéléologie est donc bien « la science des cavernes ». Dans le monde, cinq mille articles lui sont consacrés chaque année, dans des publications parfois prestigieuses, mais des observations irremplaçables se trouvent aussi dans les plus modestes.
Cette exploration discrète, dans un milieu agressif, n'apporte guère de prestige. Ses résultats peuvent étonner : des gouffres dont la profondeur dépasse largement le kilomètre, des grottes où l'on connaît des centaines de kilomètres de galeries, le point bas de la Fontaine de Vaucluse qui, atteint par un engin téléguidé indique 224 mètres plus bas que le niveau de la Méditerranée ! À cette contribution à la connaissance de notre planète s'ajoutent d'autres retombées.
Certaines concernent les sciences de la vie. Ce que nous savons des hommes de la préhistoire résulte pour une bonne part de découvertes faites dans les grottes, souvent par des spéléologues. Cependant des animaux dont l'espèce est éteinte ont pénétré dans les grottes ; et celles-ci sont le refuge de chauve-souris, comme d'animaux qui vivent uniquement dans les grottes et s'y reproduisent.
Dans le domaine des sciences de la terre. Les grottes visitables par l'homme, vieilles souvent de quelques millions d'années, se sont creusées grâce à la surrection des montagnes ; elles sont le témoin d'anciennes géographies, à l'évolution desquelles elles ont parfois contribué ; et l'on y trouve l'enregistrement d'anciens climats. Des grottes plus anciennes ont en grande partie disparu : creusées il y a des centaines de millions d'années, elles ont été démantelées par les événements géologiques ultérieurs et rabotées par l'érosion ; il en reste pourtant des vestiges. Or les grottes sont de fantastiques pièges à sédiments, dont l'étude, la datation ne font que débuter, notamment en raison des difficultés d'accès.
Reste le plan pratique. L'alimentation de la ville de Paris dépend pour une part d'eaux provenant de grottes, et le département du Lot presqu'en totalité ; certains captages sont réalisés loin des risques de pollution, grâce aux explorations de plongeurs spéléologues. Dans les terrains où se trouvent les grottes, l'étude de la plupart des problèmes d'environnement relève pour une part de la connaissance des formes et des phénomènes étudiés par les spéléologues. Les grottes touristiques, au nombre d'une centaine en France, jouent un rôle culturel pour leurs 6 millions de visiteurs annuels.
L'exploration spéléologique est maintenant souvent exotique ; au rythme actuel, le vingt-et-unième siècle n'en verra pas l'achèvement. Quant à l'exploration scientifique, consacrée à rechercher dans des cavités connues tous les indices de leur activité actuelle et passée, aux mesures et analyses correspondantes, elle pourrait devenir une activité à part entière, et déboucher parfois sur de nouvelles explorations.