Presles : passer en libre, goutte que goutte
Passer en libre, là où on grimpe traditionnellement en artif', telle était la partition du GEAN pour son troisième stage à Presles. Encore fallait-il jongler avec les averses de pluie pour arriver à jouer juste. Au compteur, une ouverture et trois voies libérées.

Un grand surplomb blanc barré d'un petit toit, puis un pilier gris compact sur lequel s'acharne Hugo Peruzzo. La longueur n'est pas très longue, mais sans repos. Et sans spits : Pierre Girot l'a ouverte la veille, en usant de toutes les techniques d'escalade artificielle : pitons, coinceurs et même couplage de bird beaks, ces petits pitons importés du Yosemite. Il lui a fallu une paire d'heures, peut-être plus, pour en venir à bout.
Ensuite ? Le jeu consiste non seulement à répéter ou, ici, ouvrir une grande voie, mais en escalade libre et si possible du premier coup. Les essais se font après nettoyage et sur pitons et coinceurs uniquement, la journée qui suit. À ce rythme, la cordée de Léo Billon, Hugo Peruzzo et Pierre Girot a ouvert une dizaine de longueurs en quatre jours. In situ ne restent que certains relais sur spits et encore, pas tous ! Voici les règles du troisième stage du GEAN, qui se déroulait à Presles du 20 au 24 mai 2025.

Après un décrassage entre les gouttes à Rochefort-Samson au pretexte d'un shooting photo, les membres du GEAN se sont retrouvés sur le parking des grottes de Choranche, dont le propriétaire a récemment accepté de voir revenir les grimpeurs - merci à lui. Le secteur visé, à droite de Télébus, est un concentré de difficultés : des légers dévers en rocher rouge à la qualité (très) variable, des grandes envolées dans du rocher blanc ou gris compact, et barrées au milieu de quelques gros toits, dont le fameux Toit des Lyonnais. Avec sa dizaine de mètres d'avancée, ce plafond quasiment horizontal perché plus d'une centaine de mètres, n'a jamais été franchi en libre. Ce n'est qu'une question d'heure. Esteban Daligault, Yanis Cherquaoui et leur coach, le guide Jérôme Sullivan, s'y lancent avec l'idée, pour le moins ambitieuse, de libérer la voie.
Après une journée et demie à fixer les premières longueurs, dont le magnifique dièdre de la troisième longueur - réalisé en libre -, le trio est au pied du toit, monstrueux vu d'en bas. Jérôme s'y colle et bataille pour en venir à bout. Le lendemain, mercredi 21 mai, Esteban s'y frotte à son tour. La progression dans la fissure qui barre ce toit quasiment horizontal à plusieurs centaines de mètres du sol est lente, mais assurée. Avant-bras à demi fermés, il se suspend pour se replacer, dénichant un interstice et coincer le bout de son chausson. L'entraineur et ouvreur du Pôle France Escalade a de la marge et il en faut pour se battre sur des pitons d'époque et des camalots. Il en viendra pourtant à bout, annonçant la cotation de 8b !
Sophie Jacob et Laëtitia Chomette font cordée avec Enzo Oddo, guide et coach. Elles ont jeté leur dévolu sur une voie d'artif « récente », Plombs sur Plomb, ouverte en face nord par Arnaud Guillaume en 2003. Après deux longueurs assez faciles (tout est relatif avec le GEAN !), Laëtitia et Sophie enchaînent de longues heures de pitonnage délicat pour progresser dans les plus gros dévers du secteur. Le trio choisira de dormir sur portaledge et sortira de la voie au bout de quatre jours ! Avec des longueurs qui, une fois refaites en libre, iront jusqu'au 7c.
À l'opposé et dans un style plus équipé, la cordée composée d'Arthur Poindefert, Kilian Moni et coachée par Mat Détrie : partie pour deux jours d'aventure pour gravir et libérer la voie Scatologue Ordurier, elle carbure si bien que toute la voie est avalée en une seule journée, chaque longueur est libérée, avec un verdict de 7b+ et un équipement d'époque à compléter. « Notre objectif était de grimper vite et efficacement et de libérer cette voie en deux jours. Une journée nous a finalement suffi ! Pour chaque longueur, nous faisions le pari de partir directement en libre et d'avancer ainsi dans la paroi », décrit Kilian Moni. « Le premier fait un run à vue en essayant de libérer la longueur. Il réussit ou tombe, puis prépare le terrain, nettoie les prises et place des coinceurs nécessaires, monte au relais, puis redescend avant de remonter tenter l'escalade en libre », détaille Arthur Poindefert.

À quelques mètres de là, Hugo et Pierre, sur une idée de Léo, ont démarré un « chantier » plus à gauche : comprenez une ouverture. « Une ligne assez logique, à gauche de celle du Toit des Lyonnais, qui démarre au pied du mur rouge caractéristique du secteur et sort au sommet », commente Hugo. Après deux longueurs faciles, les difficultés montent : il faut grimper en artif puis retenter, une fois un équipement correct en place, les mouvements repérer en libre.
De l'alpinisme, du trad ? De l'escalade, en un mot. Dans la dernière longueur, Hugo vient d'enlever le morceau sur du beau rocher gris, grâce à de bons emplacements pour friends. Mais un pas lui a résisté à vue, l'obligeant à se reposer sur un point. À peine redescendu au relais, il repart pour enchaîner proprement cette jolie longueur.
Ne reste plus qu'à enchainer l'avant-dernière longueur. Ce qui veut dire : redescendre plein gaz et tenter cette seule longueur pas encore gravie en libre. C'est au tour de Léo. Les nuages menacent, il n'y aura pas dix essais. Les cris d'encouragement le propulsent à travers les crux, en priant pour qu'une prise clé ne casse pas. Une dizaine de minutes plus tard, il a réussi. Verdict : 8b, pour une nouvelle voie de Presles qui fait partie des rares à ce niveau (avec la voie du Renouvellement des mites, libérée par Léo auparavant) à proposer des longueurs en 7 et une en 8 sans aucun spit. Vivre ou raconter ? C'est le nom de la voie, et sans doute un choix vite fait pour ces grimpeurs doués.
Photos de Jocelyn Chavy










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