Hommage à Lucie

C'est une nouvelle difficile qui a endeuillé la fédération, les gardiens de refuges, et le monde de la montagne : Lucie Gauthier, la gardienne du refuge du Pavé, est décédée le lundi 8 janvier.

©Grangeon Sarah / FFCAM ©Grangeon Sarah / FFCAM

A 2841m d'altitude, dans ce monde si minéral, on ne pouvait rester indifférent au sourire et à la chaleur de l'accueil de Lucie, dans ce tout petit bâtiment qui constituait « l'ancien » refuge du Pavé. Elle l'avait faite sienne, cette cabane de tôles : première arrivée à la fin du printemps, dernière partie fin octobre, alors que les frimas de l'hiver étaient déjà là, sans compter ses nombreuses visites toutes l'année – « je suis montée au Pavé au moins une fois par mois l'année dernière », me racontait-elle encore en décembre- seule et dans toutes les conditions, cela va sans dire !

Ce vallon du Pavé auquel elle était très attachée était pourtant loin d'être sa première expérience en montagne, et encore moins sa première expérience tout court. A 38 ans, Lucie avait déjà vécu plusieurs vies, dont une au sein du CERN à Genève, en qualité de docteure en physique des particules ! Mais ensuite, sa passion dévorante pour la montagne la rappelle : elle devient accompagnatrice en montagne, officiant au sein de la prestigieuse Compagnie des guides de Chamonix, puis forge ses premières expériences d'aide-gardienne de refuge au pied du mont Blanc, au refuge du Couvercle, puis au Goûter et aux Grands Mulets.

Devenue gardienne à part entière une fois arrivée dans les Ecrins, elle décide de s'y installer, d'abord à Villar d'Arène au plus proche du départ du refuge, puis plus récemment à Briançon. Son aventure du Pavé fut aussi celle de la construction du nouveau refuge : « pendant ces deux étés de chantier, nous avons travaillé ensemble main dans la main. Malgré les conditions spartiates et la météo difficile, tu as veillé sur les ouvriers venus construire le nouveau refuge, devenant au fil des mois ce que tu appelais ta « colonie de vacances ». Tu connaissais le régime alimentaire de chacun, tu participais aux soirées jeux, tes cookies avec plus de chocolat que de farine étaient un vrai réconfort : sans toi, le chantier aurait été bien différent », raconte Christophe Béchet, très ému, qui s'occupe de la coordination du chantier pour la FFCAM. Lucie se projetait dans le nouveau refuge, elle y avait fait monter son piano, sa bibliothèque de livres scientifiques.

Partie trop tôt, trop jeune, son souvenir restera à jamais ancré dans ces montagnes, tel l'immense cœur éphémère qu'elle avait dessiné dans la neige sur le toit du nouveau refuge avec marqué « Pavé » au milieu, trace éphémère mais profonde de sa déclaration d'amour à cette montagne.