Portrait de printemps #4






Didier Angonin : "Je me sens bien quand je suis là-haut…"
Personnage posé et discret, originaire de Franche-Comté, Didier Angonin est le conseiller technique national escalade de notre fédération, et responsable du Groupe excellence escalade.
"Même si c’était à une petite échelle, j’ai toujours connu la montagne, celle du massif Jurassien", explique Didier. Né à Besançon, il a grandi dans un village du Haut-Doubs situé à 800 mètres d’altitude, entre Morteau et Pontarlier. Il chausse des skis dès l’âge de trois ans, descendant un champ derrière la maison familiale... Attiré par la glisse, il commence à pratiquer le ski de randonnée vers quatorze ans, sur le versant suisse du Chasseron et, assez vite, s’intéresse aussi au surf. Apocalypse Snow, la série de courts-métrages de Régis Rolland, précurseur du snowboard en France, le fait rêver ses copains et lui. "On a d’ailleurs construit nos propres surfs à partir de plans trouvés dans Montagnes magazine ou Alpi Rando. En 1985, nous avons été parmi les premiers à surfer "le bois Piquemiette", un hors-piste de la station de Métabief…"
La glisse, mais aussi, très tôt, la confrontation avec la verticalité. Il commence à grimper à treize ans, au collège, encouragé par son professeur d’éducation physique. Il débute sur une petite falaise, "La roche percée", qu’il peut rejoindre en vélo (il pratique aussi à cette époque VTT, ski de fond et course en montagne – le futur trail). Lorsqu’il s’installera quelques années plus tard en Savoie, en 1995, il a déjà un solide bagage « montagne » : il grimpe du 8a et s’avère bon skieur. "Les gens s’étonnaient qu’une personne originaire du Jura sache si bien skier !"
Après le bac, Didier décroche un Diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) pour devenir technicien qualité et, en parallèle, obtient un brevet d’État d’escalade. Il va trouver sa voie lorsqu’arrive l’échéance du service militaire national. Il a choisi d’être objecteur de conscience. Son destin bascule un mercredi matin, quand il achète au kiosque du village un des tout premiers numéros du magazine Grimper : "je me souviens encore de la couverture où figurait la grimpeuse américaine Robyn Erbesfield…" En parcourant les pages, il tombe sur une petite annonce : le Club alpin d’Albertville recherche une personne pour encadrer et entrainer son équipe de compétition (jusqu’alors dirigée par… Arnaud Petit). Il est embauché par le président de l’époque, André Croibier. Il travaillera ensuite pour le comité départemental Savoie et, enfin, pour la fédération, dont il deviendra conseiller technique national escalade en 2001. Il a trois grandes missions dans ce cadre : participer à la mise en œuvre du projet fédéral ; être au service des clubs, les aider les conseiller, les accompagner dans leurs projets ; répondre à toutes les questions en lien avec la pratique de l’escalade dans tous les domaines et sous toutes ses formes.
Didier habite aujourd’hui un petit village savoyard, au pied du massif des Bauges. La montagne est essentielle pour lui. "Quand je suis là-haut je me sens bien, c’est un des seuls lieux qui m’apaise vraiment. C’est compliqué de savoir pourquoi on éprouve ce bien-être en montagne. Ce qui est certain, c’est que quand je regarde les sommets depuis chez moi, j’ai toujours envie d’y être, et quand je suis là-haut, je n’ai pas envie de redescendre…" Ce versant contemplatif se complète avec les activités sportives. Pratiquant escalade, ski alpin et course à pied sur les sommets du massif des Bauges, Didier aime se dépenser physiquement et a un besoin de dénivelé. "J’aime courir en montagne alors que je déteste sur le plat. Idem à ski : j’apprécie quand ça monte et déteste les grandes traversées plates. J’adore aller rapidement au sommet. Quand j’y accède en revanche, je peux rester un instant à rien faire, assis dans l’herbe ou dans la neige – ce que je ne fais jamais chez moi, en bas."
La montagne, qui accompagne et rythme sa vie depuis déjà longtemps, est une source de souvenirs, intimes et collectifs. Il garde en mémoire le jour où son père a obtenu son diplôme d’initiateur escalade à 55 ans. "Il avait été demandé aux stagiaires de réussir un 6A sur la falaise du Quint, à Beaume-les-Dames, sur rocher glissant, légèrement déversant. C’était un vrai défi. Il a su affronter le stress le jour du test. J’étais hyper fier de lui. Mon énergie vient de là !" Autre souvenir marquant : l’ascension en 2007 de "Babel", à Taghia (Maroc), voie de 800 mètres très exposée réalisée en libre, à la journée, avec Yann Ghesquier. "Je n’avais jamais puisé aussi profondément en moi pour parvenir au sommet. Ça a été grand moment de technicité, de force, de concentration, de peur, de souffrance, et finalement de joie partagée à deux…"
Didier a pris en 2001 les rênes du Groupe excellence d’escalade, qui comporte huit membres. "Nous avons la chance d’avoir un groupe constitué de grimpeurs (euse) extrêmement forts et donc bien souvent les réalisations se font. Une énergie forte se dégage du groupe. Elle permet de se surpasser. Un projet individuel finit toujours par devenir collectif." Ce sens du dépassement s’est concrétisé sur les parois du monde entier, comme ce fut le cas en 2011 au Yosemite, où les grimpeurs ont réalisé en escalade libre deux voies de 1000 mètres sur la paroi mythique d”El Cap.
Toutefois, l’aspect humain est primordial pour Didier, qui a imposé une devise au sein du groupe : "Interdit de faire la gueule !" "Cela peut paraître banal, mais pour moi on doit être heureux, on doit rire, il faut vouloir partager, se mettre au service de l’autre." Cette entente humaine va de pair avec une curiosité pour le milieu (faune, flore), les cultures et les êtres rencontrés au cours des différents stages. Didier a été très marqué par le stage réalisé à l’automne 2018 à Oukaimeden, au Maroc, lors duquel les jeunes de l’école d’escalade du Club alpin de Casablanca avaient été conviés. "Nous étions tous hébergés au même endroit, au chalet du club de Casa. Nous avions prévu des moments d’escalade spécialement pour eux où ils seraient coachés par les membres du groupe. Chacun a joué le jeu et, surtout, a pris plaisir à le faire. A la fin, j’avais un groupe qui était heureux de rendre heureux. Les jeunes du club de Casa nous ont dit avoir vécu un moment extraordinaire, leurs yeux brillaient ! De notre passage nous laisserons également un topo des 140 passages ouverts et réalisés par les membres du groupe. Un nouveau site de bloc est né sur le territoire Marocain…"
Didier est un personnage discret et modeste. "J’admire plutôt les "petites gens" les "secondes mains", ceux qu’on ne voit pas trop, que ce soit en escalade ou dans la société en général. Les grimpeurs qui forcent mon admiration ont des qualités d’abord humaines et ensuite sportives." Avide de nouveaux horizons, sportifs, humains et géographiques, il consacre beaucoup de temps à préparer les stages du groupe, effectuant de longues recherches et un grand travail de préparation. Il réfléchit en ce moment au 27ème stage : la réalisation d’"Hôtel Suppramonte", une grande voie extrême située en Sardaigne. "Nous envisageons de réaliser un film didactique abordant les clés pour optimiser les chances de réussite d’une grande voie extrême par de jeunes adolescents." Quand les parois constituent des passerelles.