Le refuge de la Pilatte est fermé

Le refuge de la Pilatte (Ecrins) est désormais définitivement fermé, en raison d'importants problèmes structurels dus à la forte instabilité du socle granitique sur lequel il est construit.

refuge de la Pilatte Refuge de la Pilatte ©CD FFCAM Isère

Un phénomène paraglaciaire


Bâti au cœur du Parc National des Écrins, à 2577m d'altitude, le refuge de la Pilatte est accessible à pied par des sentiers balisés depuis le village de la Bérarde. Prisé par les alpinistes – il est le camp de base pour de nombreuses courses comme les Bans, le Gioberney, ou encore la pointe de la Pilatte –, ce bâtiment emblématique est érigé sur un promontoire morainique dominant le glacier de la Pilatte. Or ce dernier a fondu avec le réchauffement climatique, perdant près de 50 mètres d'épaisseur depuis le début des années 1990. Ce retrait glaciaire a provoqué une déstabilisation du socle rocheux, autrefois soutenu par le glacier, qui jouait un rôle de contrefort. Comme l'expose une étude publiée en 2018 (*), le bâtiment subit les effets d'un phénomène "paraglaciaire". En s'écoulant, un glacier exerce une force de compression contre les versants. Lorsque la masse de glace diminue ou disparaît complètement, ces versants perdent une partie de leur appui. 
 

Un bâtiment sous surveillance

Ce phénomène a fait apparaître des fissures au niveau du refuge, suivies annuellement par des experts depuis les années 1990 (des fissuromètres mesurent l'évolution des fissures dans le bâtiment, au demi-millimètre près). Un suivi géologique est également assuré autour du bâtiment, grâce à des extensomètres et des mesures topométriques. Depuis le mouvement brutal constaté en 2008, les repères avaient peu évolué (au plus de quelques millimètres par an). Stupéfaction au printemps 2021 : la repères ont tous subi des mouvements de 2 à 8,5 cm. C'est une accélération nouvelle et brutale de ce phénomène entraînant une fragilisation de la structure du refuge : une instabilité accrue du terrain est donc supposée. L'état de catastrophe naturelle est reconnu, et l'expertise assurantielle est en cours. Des études géologiques sont menées depuis un an pour comprendre les phénomènes en jeu, évaluer la stabilité du socle rocheux et son impact sur la sécurité des pratiquants.  
 

Un refuge fermé jusqu'à nouvel ordre pour des raisons de sécurité

Au regard des conclusions de ces études et conformément à l'arrêté municipal n° 2021-032 pris par le maire de Saint Christophe en Oisans : 
- L'accès à la plateforme sur laquelle se trouve le bâtiment est désormais interdit.
- Le refuge (bâtiment principal et refuge d'hiver) est totalement fermé au public : aucun accueil, hébergement et abri en cas de secours ne peuvent y être assurés. 
Un balisage sera effectué par le Parc des Ecrins cette année pour signaler physiquement la fermeture du chemin d'accès au refuge .
 

Quel avenir pour la Pilatte ?

Une grande réunion de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés a été organisée en mars dernier. Une solution provisoire à proximité du refuge sera mise en place cette année permettant aux guides d'accompagner des groupes sur les courses autour du refuge (comme le Gioberney, les Bans…). L'avenir du bâtiment est quant à lui très incertain : « le refuge est bâti en deux parties, l'une de 1954 et une autre édifiée en 1994 », précise Christophe Béchet, conducteur d'opérations de la FFCAM en charge des refuges des Ecrins. « Nous sommes en train d'étudier avec les ingénieurs structure si la partie de 1994 pourrait être conservée, mais les géologues sont perplexes sur les mouvements de terrain. Cela pose encore beaucoup de questions, et demandera des études approfondies avant d'échafauder des scénarios crédibles ». Les résultats des expertises réalisées cette année et le retour de cette première expérimentation permettront d'imaginer collectivement l'avenir de ce site.
 
(*) "Ajustement de la pente de la roche paraglaciaire sous une infrastructure de haute montagne – Étude de cas du refuge de la Pilatte (massif des Écrins, France)", par Pierre Allain Duvillard, Ludovic Ravanel, Philip Deline et Laurent Dubois.
 
Univ. Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont Blanc, CNRS, EDYTEM, Chambéry, France, IMSRN, Parc Pré Millet, Montbonnot, France, Comité scientifique de la FFCAM, Paris, France, CEREMA, Direction territoriale Centre-Est, RRMS/Risques, Bron, France.